Duray : tricotés serrés pour lutter et durer

Yan Raymond - Duray

L’entreprise s’appelle Duray et elle pourrait tout aussi bien s’appeler Durer. Fondée en 1939, elle a survécu à l’érosion de l’industrie du textile au Québec et les bas de laine qui y sont fabriqués sont les plus vendus au pays depuis des décennies. Plusieurs font des copies de ces fameux bas gris ornés d’une ligne rouge, mais rien qui n’ait la signification de ceux qu’on tricote à Princeville.

« Il faudrait se délocaliser pour faire plus de croissance, mais on n’est pas juste une marque. Notre ADN, c’est de fabriquer ici. Sinon, on n’a pas de raison d’être », affirme Yan Raymond, qui a pris la relève de cette entreprise familiale de troisième génération en compagnie de son frère Samuel.

Contre vents et marées
Ils sont parmi les derniers Mohicans. Ils résistent à des forces contraires dans le marché. Du temps de leur grand-père, il était possible d’acheter de la laine localement ; il faut aujourd’hui l’importer de Nouvelle-Zélande faute d’en trouver ici. Puis, du temps où Yan était à l’université, il y avait encore des usines de textile dans les environs, à Victoriaville et à Plessisville.

Il ne reste plus que Duray dans les MRC de L'Érable et d'Arthabaska et une poignée de fabricants à l’échelle du Québec. Si le textile disparaît progressivement au Québec, c’est qu’il coûte plus cher de fabriquer ici qu’en Asie.

Les Raymond réduiraient leurs coûts de production et augmenteraient leurs marges de profit s’ils faisaient carder, filer et tricoter la laine à l’étranger. Ce serait plus facile aussi de trouver de la main-d’œuvre en Asie puisque depuis longtemps, il n’existe plus d’école au Québec pour former des gens dans le textile, sauf en design. Mais la fibre entrepreneuriale des frères Raymond est attachée à la communauté.

« On a la joie de le faire ici, de créer quelque chose ici. C’est beaucoup plus satisfaisant que juste vendre un produit. Ça a un sens beaucoup plus profond. Les affaires semblent parfois détachées des humains, mais sans l’être », réfléchit Yan, en s’exprimant lentement pour bien choisir ses mots.

Serein devant les défis
Son frère et lui n’ont pas pris la relève de l’entreprise pour déshabiller Princeville de 75 emplois. En plus de leurs collections, ils fabriquent pour d’autres marques comme Simons. Il a fallu augmenter les salaires avec la pandémie, et les entrepreneurs doivent absorber eux-mêmes les coûts de formation d’une main-d’œuvre qui était déjà rare avant la pénurie criante d’aujourd’hui. C’est exigeant et on peut se demander combien de temps ils pourront résister à tous ces défis?

« On fait de notre mieux tant qu’on peut faire fonctionner l’entreprise », affirme Yan Raymond.

Il est relié au fil de la continuité, mais ne fait pas de la pérennité un concept auquel il faille s’attacher. 

« Dans le temps qui nous est donné, on fait les choses comme on a envie de les faire », dit-il, serein.

Travailler pour le Québec
Fabriquer ici. Avoir un impact positif dans une municipalité d’ici. Concevoir un produit authentiquement québécois. 

C’est là la finalité, le vrai sens du bas de laine Duray. Bien plus vrai que le Panier Bleu rempli de fabriqué ailleurs, vendu ici. Pour certains, le sceau du Québec est une affaire de marketing; pour lui et son frère, c’est le sens d’entreprendre. 

DURAY  
Fondateur : Gérard Raymond
Lieu du siège social : Princeville
Secteur d’activité : Manufacturier
Nombre d’employés : 75
Année de fondation : 1939 

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Source : Texte de Valérie Lesage, Journal de Montréal, le 3 janvier 2021
Vignette : Yan Raymond (ci-contre) et son frère Samuel ont succédé à leur père ainsi qu’à leur grand-père, à la tête de Duray. (Photo : Andréanne Lemire)