Par Rick Lavergne
La mode est à la centralisation des services dans une perspective d’améliorer l’efficacité administrative face au défi de gestion que représentent la baisse des moyens financiers et la complexification des enjeux.
Mon propos n’est certainement pas de porter un jugement sur cette tendance ni de mettre en perspective l’ensemble des avantages et des inconvénients d’un tel phénomène, mais bien de faire ressortir un impact mal connu face au regroupement physique de la fonction « gestion » à savoir, la délocalisation d’emplois stratégiques d’un territoire à un autre.
J’entends souvent des commentaires sur la capacité ou plutôt l’incapacité des municipalités de la MRC, particulièrement Plessisville, d’être en mesure d’attirer des professionnels à venir s’établir en ville comme dans les belles années.
Je me suis installé personnellement à Plessisville en 1995, car j’ai accédé à un emploi à la MRC dont le siège social était justement à Plessisville. Centre géographique de la MRC, Plessisville me permettait d’avoir accès rapidement à l’ensemble de mon territoire où nous offrons des services. Si la MRC avait été à Victoriaville, la probabilité que j’y sois installé aujourd’hui semble très forte. Nous sommes 45 employés à la MRC et la grande majorité ont fait comme moi.
Toujours dans ces mêmes années, nous avions aussi un CLCS dont le centre de décision était aussi Plessisville et le territoire de desserte était la MRC. Je côtoyais une multitude de professionnels (directeurs généraux, travailleurs sociaux, organisateurs communautaires, etc.) qui habitaient à Plessisville et à Sainte-Sophie notamment. Maintenant que le CLSC est fermé, le centre de décision et de gestion est à Trois-Rivières ou dans une moindre mesure, à Victoriaville.
Pensez-vous que nous allons récupérer des professionnels dans le futur? Poser la question, c’est y répondre!
Toujours dans les années 90, nous avions la Commission scolaire Jean-Rivard dont le territoire de desserte était en bonne partie la MRC et dont le centre décisionnel était à Plessisville. J’entends souvent dire que les nouveaux enseignants embauchés résident principalement à Victoriaville et non à Plessisville comme autrefois. On vise d’ailleurs le peu de capacité d’attraction de Plessisville pour expliquer cette tendance.
Attention! Ce peut-il que la centralisation des services explique en partie ce phénomène?
Chose certaine, un prof qui débute sa carrière peut être appelé à faire du remplacement le lundi à Tingwick et le mardi à Lyster. Que fait-il alors? Il s’installe au centre géographique, à Victoriaville, ce qui lui confère plus de flexibilité et d’opportunités. Par la suite, la vie s’enchaîne et vous connaissez la suite. Exactement comme j’ai fait, en 1995, mais à la différence que la perspective territoriale est maintenant plus large.
Bien sûr, les gens sont plus mobiles qu’auparavant. Ceux dont les services sont redéployés vers un autre territoire continuent de demeurer à Plessisville et voyagent sans problème. Mais qu’en est-il des nouveaux employés embauchés par l’organisation?
Ce phénomène se produit également dans le domaine commercial. L’exemple récent de la Coopérative des Appalaches, maintenant intégrée avec Vivaco, est représentatif. Probablement une excellente décision d’affaires.
Mais qu’en est-il du siège social de Laurierville? Disparition progressive d’emplois stratégiques (directeur général, agronome, techniciens, etc.).
Faudra-t-il remettre en question la capacité d’attraction de Laurierville, si celle-ci ne peut récupérer ces citoyens au sein de sa communauté, ou plutôt constater que c’est en grande partie la centralisation qui a le plus d’impacts sur la municipalité?
Il y a probablement un peu de nostalgie en faisant référence à l’agronome du MAPAQ à Plessisville, au surintendant du ministère des Transports à Plessisville, au directeur des services techniques de l’hôpital Saint-Julien, mais il y a là, assurément, un constat que la centralisation a des impacts réels sur la capacité d’attraction de nouveaux talents sur notre territoire.
Ce phénomène n’est pas une raison pour ne rien faire. Par contre, il faut donner "un break" à Plessisville et aux municipalités de la MRC par rapport à leur capacité d’attraction.
Elles font face à deux tendances lourdes, soit la concentration généralisée de la population vers le milieu urbain et, en parallèle, la centralisation des services publics dans un esprit d’efficacité administrative.
On est parfois dure avec ceux qu’on aime. C’est d’ailleurs important d’avoir des attentes envers nos communautés. Par contre, plus nous sommes en mesure de comprendre certains phénomènes, plus nous avons de l’information pertinente, plus nous pourrons faire preuve d’indulgence envers nos municipalités pour ainsi mettre nos énergies à la bonne place, demeurer positifs et travailler ensemble pour relever le défi de l’attraction des talents sur notre territoire.
En considérant que les gens sont plus mobiles qu’avant, en prenant en compte que l’emploi est encore le motif le plus important pour choisir un lieu de résidence et en gardant en tête que l’environnement social est aussi un facteur important dans le choix d’un milieu de vie, comment pourrions-nous relever ce défi malgré les tendances lourdes qui nous affligent? Aidez-nous à identifier des solutions créatives.